Un portefeuille 100% action ? Ok, mais…

Article écrit par Nicolas Bérubé pour Lapresse.ca – 18/02/2024

Il y a des principes en finance qui sont rarement, voire jamais, remis en question.

Par exemple : un portefeuille de placement doit contenir au moins deux catégories d’actifs : des actions et des obligations.

Aussi : les jeunes doivent avoir une forte proportion d’actions dans leur portefeuille. Avec l’âge, on augmente le pourcentage alloué aux obligations, histoire de ne pas être forcé de vendre des actions pendant une chute des marchés à la retraite.

J’adhère moi-même à cette façon de voir les choses, et je vous en fais part ici avec une troublante régularité.

J’ai donc été surpris par une nouvelle étude qui montre que cette approche est loin d’être celle qui a généré le plus de richesse pour les investisseurs.

Intitulée « Beyond the Status Quo : A Critical Assessment of Lifecycle Investment Advice », l’étude a été réalisée par des chercheurs de l’Université de l’Arizona, l’Université Emory et l’Université du Missouri.

Les chercheurs ont voulu savoir quelle proportion d’actions/obligations offrait les meilleurs rendements tout au long de la vie des gens, depuis les premiers pas de leur carrière jusqu’aux dernières années de leur retraite, parfois 70 ou 75 ans plus tard.

Pour y parvenir, ils ont analysé les marchés boursiers de 38 pays développés de 1890 à 2019, soit près de 130 ans de données. Cela inclut des évènements terrifiants comme deux guerres mondiales, le krach de 1929, la Grande Dépression, les attaques du 11-Septembre, le débat sur le tramway de Québec, etc.

Résultat : la meilleure approche pour accumuler des placements durant sa vie active, vivre pendant des décennies à la retraite et laisser de l’argent en héritage à ses enfants est d’avoir 100 % de ses actifs dans le marché boursier, et d’éviter complètement les obligations.

La raison est simple : durant les périodes analysées — près de 2500 ans de données lorsqu’on les met bout à bout —, les actions ont globalement généré quatre fois plus de richesse après inflation que les obligations.

Les chercheurs ont découvert que les investisseurs qui ont un pourcentage grandissant d’obligations dans leur portefeuille avec l’âge devaient épargner 40 % plus d’argent durant leur vie active pour espérer avoir le même niveau de vie à la retraite que les investisseurs 100 % actions.

Le plus intéressant, c’est que lors du décaissement à la retraite en utilisant la règle souvent employée du 4 % (vendre 4 % de ses placements par année en ajustant chaque année la somme décaissée pour couvrir l’inflation), les investisseurs 100 % actions risquaient moins de manquer d’argent que les investisseurs qui ont des obligations. C’est qu’ils ont accumulé beaucoup plus de richesse au fil des années, donc leur pouvoir d’achat demeure plus élevé, même avec les chutes.

« Ça nous a surpris, m’explique en entrevue Scott Cederburg, professeur associé de finance à l’Université de l’Arizona et coauteur de l’étude. On entend souvent dire que les obligations constituent un refuge sûr pour les retraités. On constate au contraire que le risque d’inflation pendant la retraite et la possibilité d’une longue vie rendent les obligations peu attrayantes pour les retraités. »

Quant à la composition du portefeuille, les chercheurs ont calculé que, pour un pays comme le Canada, la pondération idéale est d’environ 35 % pour un fonds d’actions canadiennes, et 65 % pour un fonds d’actions internationales.

« Donc il y a un biais en faveur du pays d’origine, note M. Cederburg. Et l’exposition aux actions internationales n’est pas couverte contre le risque de taux de change. En fait, on a constaté qu’à long terme, la fluctuation du taux de change contrebalance les risques d’inflation dans le pays d’origine des investisseurs. »

OK, mais…

Avant que vous ne couriez changer la composition de votre portefeuille, un peu de réflexion s’impose.

Premièrement, les meilleures données et les meilleures études ne peuvent que nous parler du passé. Le passé n’est pas nécessairement garant de l’avenir. Les obligations viennent de vivre une décennie atroce. Je ne serais pas surpris si la décennie à venir était meilleure pour les obligations.

Ensuite, le désavantage d’un portefeuille 100 % actions est bien sûr qu’il fait régulièrement passer nos tripes sous un rouleau compresseur.

Un portefeuille dont le pourcentage d’obligations augmente jusqu’à former la majorité des actifs à la retraite vivra statistiquement une chute de 38 % durant son pire moment, ont calculé les chercheurs. Cette chute sera de 50 % pour un portefeuille composé à 100 % d’actions.

Je vous entends réfléchir : « La différence n’est pas énorme. Je suis capable de tolérer ça ! »

C’est ici que je pète votre balloune. Très peu de gens peuvent supporter une chute de 50 % sans intervenir dans leurs placements.

N’oubliez pas : une chute ne se vit pas en pourcentage. Elle se vit en dollars.

Voir 18 000 $ de placements chuter à 9000 $ est probablement à peine supportable pour la majorité des gens. Mais voir 500 000 $ accumulés pour sa retraite fondre pendant des années, atteindre 250 000 $… et ne rien faire ? Ne rien vendre pour faire cesser le vacarme dans notre tête, ou pour rassurer notre conjoint ou conjointe qui est sur le point de nous l’arracher ?

J’en ai parlé avec l’auteur financier Andrew Hallam, à qui l’on doit plusieurs succès de vente internationaux, dont Balance : How to Invest and Spend for Happiness, Health and Wealth et Millionaire Teacher : The Nine Rules of Wealth You Should Have Learned in School.

« Je pense que la répartition doit être individuelle, et qu’il est préférable pour la plupart des gens d’opter pour la prudence, dit-il. Presque tout le monde surestime sa tolérance à la volatilité. »

Des analyses ont montré que plus les gens ont une forte proportion d’actions dans leur portefeuille, plus ils tendent à sous-performer leurs propres fonds. Pourquoi ? Parce qu’ils ne peuvent s’empêcher d’essayer de se synchroniser avec le marché, d’acheter et de vendre au mauvais moment, etc.

On croit souvent que ce sont les jeunes investisseurs qui spéculent. Mais la recherche a montré que ce sont surtout les investisseurs plus âgés qui ne peuvent s’empêcher de tenter de se synchroniser avec les marchés. Ils voient la valeur de leurs placements diminuer, et vendent pour « préserver leur pouvoir d’achat ».

Mais comme les hausses en Bourse arrivent sans prévenir, ça diminue les rendements.

« Les études sur les rendements optimaux sont basées sur des formules mathématiques, dit Andrew Hallam. Elles ne tiennent pas compte des émotions. Ce ne sont pas les fonds que nous possédons qui nous enrichissent. C’est la façon dont nous nous comportons avec ces fonds. »

Je pense que cette étude a le mérite de nous rappeler que rechercher la stabilité à tout prix dans nos placements n’est pas souhaitable – même lorsqu’on avance en âge. Beaucoup de gens associent prudence avec sécurité. Mais quelle sécurité offre un portefeuille extra prudent qui se fait vite dépasser par l’inflation ?

En même temps, il faut bien se connaître comme investisseur avant de se lancer dans des placements 100 % en actions. Sinon, le marché pourrait se charger de notre éducation.

Comme dit le proverbe : il n’y a pas d’âge pour apprendre.

* * *

Vous êtes écolos

La semaine dernière, je vous demandais ce que vous faisiez pour diminuer votre empreinte carbone. Vos nombreuses réponses m’ont surpris ; c’est facile de penser que personne ne s’arrête pour penser à l’environnement.

Julie écrit qu’elle a acheté une voiture électrique d’occasion. « Je suis en télétravail 80 % du temps, et les quelques fois que je vais au bureau (Laval – Vieux-Montréal), j’y vais à 100 % en transports en commun », dit-elle.

Gilles écrit : « Je roule en voiture trois fois moins qu’avant, et je marche trois fois plus que l’an dernier ! J’ai ajouté une couverture à mon lit, et la nuit je réduis à 18 degrés le chauffage du condo. »

L’alimentation fait aussi partie des préoccupations. « Nous avons beaucoup diminué notre consommation de viandes rouges, écrit Chantal. Une fois semaine nous mangeons végé. Un pas à la fois, on va y arriver ! »

Article paru dans La Presse le 27 octobre 2024 écrit par Nicolas Bérubé

J’ai toujours aimé les citations.

Lorsque j’étais adolescent, j’écrivais mes citations préférées au crayon feutre sur les murs de ma chambre afin de les voir chaque jour.

Mon projet était de recouvrir les murs au complet. Heureusement, je me suis fait une blonde avant de devenir un cas trop désespéré. Mon crayon feutre a pris le bord.

Aujourd’hui, je note des citations sur des Post-it, dans un calepin ou dans mon téléphone, mais je n’ai jamais arrêté de les collectionner. Les relire m’aide à mettre des mots sur ce qui est important dans la vie.

Voici quelques-unes de mes meilleures citations sur l’argent et le bonheur.

J’aime cette citation claire de Peter Adeney, auteur du populaire blogue Mr. Money Mustache (que vous devriez lire). Elle en dit plus en 22 mots que des livres de finance de centaines de pages (que personne n’a envie de lire).

Contrairement à la banque et au concessionnaire automobile, Peter Adeney ne banalise pas l’endettement : il sait que contracter une dette, c’est commencer à jeter son salaire par la fenêtre. La réaction logique quand on est endetté n’est pas de louer un chalet ou d’aller au restaurant. C’est d’attaquer sa dette et d’arrêter seulement une fois qu’on l’aura anéantie.

Des dettes sont inévitables dans le cas de l’achat d’une maison et souvent pour les études. Pour le reste, devoir dépenser de l’argent qui ne nous appartient pas pour obtenir un bien ou une expérience est le signe que nous n’avons pas encore les moyens de nous les offrir.

Je passe mes fins de semaine en bordure des terrains de soccer du sud du Québec à crier avec les autres parents de joueurs de l’équipe des choses comme : « Prends ton temps, mais fais ça vite ! », ou encore mon traditionnel (et ironique) « Pas de but, pas de Dairy Queen ! »

Après un match, il arrive que mon fils se mette en colère parce qu’un joueur adverse l’a insulté ou poussé durant la partie. Je lui réponds qu’un joueur de soccer qui ne se fait jamais pousser ou insulter n’est sans doute pas un très bon joueur de soccer. Et aussi que recevoir des insultes est indépendant de sa volonté, mais décider de se mettre en colère ne l’est pas.

On peut désirer passer un match sans être insulté. On peut désirer acheter une maison. On peut désirer qu’il ne pleuve pas le jour de son mariage. Soit. Mais on commet une erreur quand on lie notre bonheur à la réalisation de ce désir. Notre niveau de bonheur est entre nos mains, pas entre celles du marché immobilier ou de l’humidité de l’air. Si ce n’est pas le cas, il est temps de réviser le contrat que l’on a passé avec soi-même.

Parfois, l’argent sort de notre portefeuille à la vitesse d’un TGV. C’est normal. Ça arrive. Mais c’est aussi important dans ces occasions de prendre un pas de recul. L’argent est une ressource précieuse.

La preuve : la banque va nous scruter pratiquement aux rayons X avant de nous en prêter. Elle protège son argent avec des intérêts élevés, et elle bloque l’accès à son coffre-fort avec des murs d’acier. C’est pour ça qu’elle s’enrichit. On devrait avoir le même discernement avec notre argent. Où sont les murs d’acier autour de notre portefeuille ?

Il y a un an, tout le monde parlait d’une récession si évidente qu’on pouvait la toucher. L’inflation était repartie à la hausse. Les marchés boursiers chutaient chaque jour. Des lecteurs me disaient avoir trouvé refuge dans la tendre et douce chaleur maternelle d’un CPG. Ils me parlaient de « chutes boursières prévisibles » à venir.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Ni le Canada, ni les États-Unis, ni l’Europe, ni l’Asie ne sont en récession. L’inflation a chuté. Et un simple fonds indiciel diversifié 60 % actions, 40 % obligations a grimpé de 25 % depuis l’automne dernier, si on inclut le réinvestissement des dividendes.

Pourcentage des analystes qui avaient prédit ça : 0 %.

Tenter d’anticiper les récessions ou les corrections boursières est frustrant et coûteux. Investir régulièrement dans un portefeuille équilibré et diversifié est la meilleure façon de se comporter avec nos placements. Peu importe ce que disent les nouvelles.

Personne n’est aussi impressionné par nos possessions que nous-mêmes. Chercher à envoyer des signaux de richesse a une conséquence prévisible : nous appauvrir.

Saviez-vous que seule une minorité des ménages américains ayant des revenus de plus de 250 000 $ US (345 000 $ CAN) par année choisit de se déplacer dans un véhicule d’une marque de prestige ? La majorité préfère des véhicules de marque Toyota, Honda ou Ford.

Notre vision de la richesse a été conditionnée par les publicitaires et les scénaristes de Hollywood.

Les riches l’ont compris. Vous ?

Ce qui fonctionne au Québec

La semaine dernière, je vous parlais de 10 choses qui fonctionnent au Québec. Votre réaction a été unanime : vous aimez les nouvelles positives, et en voulez davantage. C’est noté.

François, un lecteur, dit avoir passé huit mois dans un village en Afghanistan, il y a quelques années.

« Des choses qui vont bien au Québec, je peux vous en nommer ! », écrit-il.

Voici sa liste :

  • Nous avons l’électricité.

  • Il y a une famille par maison.

  • Nos maisons ont des meubles.

  • Les égouts sont souterrains.

  • Les enfants vont tous à l’école.

  • Il n’y a pas de guerre.

  • Les routes sont asphaltées.

  • Nous avons le service d’urgence 911.

  • Près de 30 % de la population est obèse.

« Ça va tellement bien au Québec que ça en est gênant », conclut-il.

Le problème avec le progrès, c’est qu’on s’y habitue. Comme l’a écrit George Orwell (ma dernière citation) : « Il faut constamment se battre pour voir ce qui se trouve au bout de son nez. »