Article paru le 11/08/2024 écrit par Nicolas Bérubé pour Lapresse.ca
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais c’était la fin du monde lundi dernier.
De Tokyo à New York, les marchés boursiers ont plongé. Des graphiques rouge sang ont rempli la télé. Des investisseurs ont paniqué.
En plein été ! On était là, occupés à planifier le prochain barbecue ou à convaincre nos enfants de mettre de la crème solaire. Et puis bang ! Les marchés ont coulé, un peu comme la pierre d’un de ces ricochets mal lancés dont j’ai la spécialité.
La baisse s’est en partie résorbée. Personne ne sait ce qui s’en vient.
Il n’y a pas si longtemps, cette incertitude m’aurait fait paniquer, moi aussi. Est-ce le temps de vendre ? D’être plus défensif ? De trouver des placements plus stables ?
Les humains, on est comme ça : nos réflexes nous poussent à réagir.
Mais nos réflexes font de nous de très mauvais investisseurs.
Voici six conseils pour vous aider à relaxer malgré les soubresauts des marchés.
Pas de pluie, pas d’arc-en-ciel
Chaque fois que ça survient, une dégelée boursière fait peur. On s’appauvrit sans même avoir eu le plaisir de dépenser ! Dans les pires cas, on a l’impression d’être dans un train fou sans conducteur. Le désir d’en descendre peut être puissant. Mais personne ne connaît l’avenir. Les marchés peuvent continuer à chuter comme ils peuvent reprendre leur marche vers le haut. Cette incertitude est au cœur des rendements exceptionnels de la Bourse, qui ont été de 5 % de plus que l’inflation en moyenne depuis des décennies. Depuis un an, la Bourse canadienne est en hausse de 10 %. Aux États-Unis, la hausse a été de 18 %. Comme désastre, on a déjà vu pire.
La peur est une alliée
Les marchés boursiers fonctionnent un peu comme une bascule : plus ils montent, plus les rendements attendus à long terme diminuent. En revanche, plus ils baissent, plus les rendements attendus à long terme augmentent. C’est ironique, mais c’est après une bonne chute, quand tout est au rouge depuis longtemps, que les cieux sont les plus cléments pour les investisseurs. Pourtant, notre cerveau nous pousse à rechercher l’inverse. « La peur extrême crée l’occasion d’ajouter du capital à des valorisations plus faibles, écrivait cette semaine Charlie Bilello, stratège en chef du marché de la firme d’investissement Creative Planning. En matière d’investissement, ce n’est pas l’avidité, mais la peur qui est votre alliée. »
Ne consultez pas le solde de vos placements
OK, c’est un conseil un peu idiot, mais il fonctionne. Depuis des années, je ne consulte le solde de mes placements que rarement, et uniquement lors des journées haussières. Les journées baissières ? J’oublie que je suis un investisseur. Je fais autre chose ces jours-là, peu importe le temps que ça dure. Mes placements sont sur le pilote automatique de toute façon, donc mon attention ou mon inattention n’y changent rien. Cette façon de faire me donne l’impression d’être un génie, car chaque fois que je le consulte, mon compte est au vert.
La diversification brille
C’est durant la déroute boursière que la diversification brille. Par exemple, au cours de la dernière année, plusieurs lecteurs m’ont dit qu’ils investissaient massivement dans les entreprises de technologie, qui ne faisaient que monter. Depuis un mois, ce secteur est malmené : l’indice du NASDAQ a perdu 9 %. Mais un portefeuille diversifié composé d’actions canadiennes, américaines et internationales et des pays émergents comme le fonds tout-en-un Vanguard (VEQT) n’a chuté que de 2 % depuis un mois. Et un portefeuille équilibré 60 % actions, 40 % obligations comme le fonds tout-en-un Vanguard (VBAL) est au même niveau aujourd’hui qu’il y a 30 jours. Le Prix Nobel d’économie Harry Markowitz avait coutume de dire que « la diversification est la seule solution gratuite en matière d’investissement ». On serait fou de s’en passer.
Acheter quand on a l’argent pour le faire
Peut-être avez-vous des sommes à investir, et vous vous demandez si la correction sera longue, moyenne ou courte ? J’aimerais pouvoir vous le dire. Mais c’est impossible : même Warren Buffett répète depuis des décennies qu’il est incapable de prédire la direction des marchés à court terme. Buffett prévoit que le marché va grimper à long terme, et c’est tout ce qui l’intéresse. Environ la moitié du temps, les actions que l’on achète vont chuter dès le lendemain en deçà de notre point d’entrée. Ce n’est pas un drame. Juste un fait de la vie qu’il faut apprendre à ignorer. « Celui qui ne possède pas d’actions lorsque les prix baissent n’en possédera pas non plus lorsque les prix augmentent », disait l’expert boursier André Kostolany.
Le point d’entrée idéal pour investir est un mirage. Il n’est évident qu’après les faits. Statistiquement, le meilleur moment pour acheter est lorsqu’on a l’argent pour le faire. Si investir une grosse somme d’un coup vous fait peur, vous pouvez vous fixer un calendrier. Par exemple, investir une somme le premier du mois pendant six mois, ou pendant un an.
Reculer, c’est progresser
Je lis les messages que vous m’envoyez depuis bientôt deux ans. Un thème s’en dégage : vous voulez voir du progrès. Vous voulez que vos placements soient plus élevés aujourd’hui que le mois dernier, ou plus élevés cette année que l’année dernière. Une hausse est synonyme de succès. Une baisse signifie l’échec, le signe que quelque chose est brisé, qu’il faut lever le capot, se mettre au travail et apporter un changement.
Je comprends cette réaction. Mais s’enrichir en ligne droite, ça n’existe pas. Mark Zuckerberg a vu sa fortune s’effondrer de 73 % en 2022. Peu importe ce que vous pensez de Mark Zuckerberg, ça n’a pas dû être une année agréable. Pourtant, Zuckerberg est 50 % plus riche aujourd’hui qu’avant la chute. Ce qu’il a fait ? Rien. Reculer, ce n’est pas anormal. Reculer, c’est progresser.
Éteignez la télé. Faites une promenade. Versez-vous un bon verre de limonade. Téléphonez à votre mère. Textez un émoji idiot à vos enfants. Essayez d’améliorer votre tir au ricochet.
La vie est trop courte pour s’en faire avec la Bourse.