Pourquoi écouter les prévisionnistes est dangereux
couple-retraite-actif-santé-financière

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Il y a un an, Lisa Shalett prédisait une hausse du S&P 500… de 0 %. La prédiction de la cheffe des investissements en gestion de patrimoine chez Morgan Stanley ne s’est pas réalisée.

Article écrit par Nicolas Bérubé pour Lapresse.ca

Dans L’argent et le bonheur, le journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

Il y a un an, une sommité mondiale de la finance a regardé 800 professionnels de l’investissement réunis au Palais des congrès de Montréal et leur a lancé un avertissement.

« Le marché boursier, a-t-elle dit, vit des montagnes russes qui ne mèneront nulle part. Dans un an, l’indice du S&P 500 sera exactement au même niveau qu’aujourd’hui, c’est-à-dire à 4200 points. »

On ne saura jamais combien de participants ont ajusté le portefeuille de leurs clients pour tenir compte de cette prédiction.

« Ce que l’on sait, c’est que 12 mois plus tard, cette déclaration de Lisa Shalett, cheffe des investissements en gestion de patrimoine chez Morgan Stanley, ne s’est pas réalisée.

Au moment où j’écris ces lignes, le S&P 500 est à 5494 points. Autrement dit, le marché américain – de loin le plus important marché du globe – a connu une hausse de 30 % alors que Mme Shalett prédisait une hausse de 0 %.

Environ un an plus tôt, à l’automne 2022, le prévisionniste François Trahan avait stressé bien des Québécois en annonçant une situation économique « apocalyptique » pour 2023 et 2024.

Mais il n’y a pas eu d’apocalypse – pas jusqu’ici, en tout cas.

En septembre 2023, M. Trahan a parlé à nouveau d’une chute de 35 % du S&P 500 sur un horizon de 18 mois. Pour ceux qui suivent à la maison, cela placerait l’indice à 2800 points, soit environ la moitié de son niveau actuel.

Comme une majorité d’investisseurs, j’accumule des placements. Une baisse du marché est donc à mon avantage : j’irais danser une gigue en kilt écossais au coin de Peel et de Sainte-Catherine en direct sur TikTok si les marchés nous offraient le cadeau d’une chute de 50 %.

Malheureusement, les profits des entreprises et les rendements boursiers ne font que grimper depuis que M. Trahan nous annonce que le pire est à nos portes.

Les gens qui font des prédictions ne sont pas incompétents. Au contraire, ils font partie des plus grands experts en finance !

Et, malgré tout, l’avenir des marchés leur est inaccessible.

« La demande doit être comblée »

Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que si on veut avoir une chance de connaître le succès avec nos placements tout au long de notre vie, on doit s’entraîner à ignorer les opinions des prévisionnistes.

C’est plus facile à dire qu’à faire.

Je ne peux pas deviner l’avenir. Sans doute que vous non plus. Alors quand un expert prend la parole pour nous éclairer, notre réflexe est de l’écouter.

Mais prédire de façon constante l’avenir à court terme des marchés, c’est comme la téléportation ou l’alchimie : ça n’existe pas.

Personne ne sait ce qui s’en vient. C’est vrai pour le prix du pétrole, de l’or, des devises, des actions, des cryptomonnaies, c’est vrai pour le niveau de l’inflation, du taux de chômage…

Personne ne sait ce qui s’en vient. C’est aussi simple que ça.

À l’extrême, même l’impact sur les marchés d’évènements aussi terrifiants qu’une guerre mondiale est impossible à anticiper. Les marchés boursiers des pays développés ont chuté durant la Première Guerre mondiale, et (sauf en Allemagne) ont grimpé durant la Seconde Guerre mondiale.

Si la direction à court terme des marchés était prévisible, les prévisionnistes seraient les personnes les plus riches du monde – ils feraient de l’argent comme de l’eau.

Les prévisionnistes se rendraient en jet privé sur leur île des Caraïbes pour y recevoir des massages et manger des raisins biologiques lavés et polis un à un par une armée de serviteurs payés 200 000 $ par année.

Le service financier Bloomberg tient à jour le Bloomberg Billionaires Index, un palmarès des 500 personnes les plus riches du monde.

Pour chaque milliardaire, Bloomberg note l’industrie dans laquelle il ou elle évolue. Beaucoup viennent de l’industrie de la technologie, de la vente au détail, de l’énergie, des produits industriels ou encore des matières premières.

Exactement zéro milliardaire répertorié par Bloomberg a fait fortune comme prévisionniste économique.

Pile ou face ?

Ce n’est pas d’hier que l’avenir échappe aux prévisionnistes.

Dans les années 1950, Benjamin Graham, professeur à l’Université Columbia à New York, s’est penché sur l’exactitude des prédictions émises par les analystes et autres experts des marchés.

« Nous avons étudié [la question] sur plus d’une génération, et nos études montrent que vous avez le choix : soit vous tirez à pile ou face, soit vous écoutez l’opinion des experts. L’exactitude des résultats est à peu près la même dans les deux cas. »
— Benjamin Graham, extrait de son livre classique, L’investisseur intelligent

Plus récemment, la firme CXO Advisory Group a analysé plus de 6000 prédictions au sujet de la croissance de la Bourse américaine émises par 68 experts cités dans des pages financières des grands quotidiens américains de 2005 à 2012.

Résultat : les experts avaient raison 47 % du temps, soit essentiellement le « pile ou face » dont Benjamin Graham parlait 50 ans plus tôt.

Si les prédictions ne sont pas fiables, pourquoi les gens continuent-ils à les émettre ? Et pourquoi on les écoute ? Benjamin Graham avait son idée là-dessus.

« Presque tous ceux qui s’intéressent à la Bourse veulent que quelqu’un leur dise ce qu’il pense que le marché va faire, a-t-il noté. La demande étant là, elle doit être comblée. »

Les prédictions seraient bénignes si elles n’avaient aucun impact sur notre comportement.

Le problème, c’est que nous sommes des êtres faillibles, surtout lorsqu’il est question d’argent. On a beau avoir les meilleures intentions : une prédiction sombre lancée par une sommité peut nous faire douter de tout.

Par exemple, on pourrait décider de vendre nos placements par précaution. Ou alors d’arrêter d’investir, le temps de voir où vont les choses.

Une personne qui reçoit une grosse somme, comme un héritage, pourrait aussi renoncer à l’investir par crainte d’entrer dans le marché au mauvais moment.

Ces comportements peuvent sembler logiques. Responsables, même. Mais c’est un piège : en réalité, ils peuvent ruiner nos finances.

Pourquoi ? Qu’y a-t-il de mal à choisir la prudence ?

C’est contre-intuitif, mais la totalité de la croissance à long terme des placements financiers ne vient que d’une poignée de journées excellentes dans les marchés. Rater ces quelques journées, c’est être condamné à des rendements médiocres, ou même à des pertes à long terme.

Ces journées exceptionnelles arrivent sans prévenir. Et, pour compliquer les choses encore davantage : elles se produisent souvent durant des périodes de déclin de la Bourse – où il est tentant de vendre pour retrouver le calme.

Voici ce qu’aurait donné un placement initial de 100 000 $ dans la Bourse canadienne de 2000 à 2021 si on avait raté les meilleurs jours du marché.

C’est ce qu’il en coûte d’écouter les prévisionnistes, et d’essayer de se synchroniser avec les marchés.

L’investisseur milliardaire Warren Buffett l’a compris depuis longtemps.

« Les gens qui font des prédictions économiques rempliront votre oreille, a-t-il dit. Mais ils ne rempliront jamais votre portefeuille. »

Source : https://www.lapresse.ca/affaires/finances-personnelles/2024-06-23/l-argent-et-le-bonheur/pourquoi-ecouter-les-previsionnistes-est-dangereux.php

Article paru dans La Presse le 27 octobre 2024 écrit par Nicolas Bérubé

J’ai toujours aimé les citations.

Lorsque j’étais adolescent, j’écrivais mes citations préférées au crayon feutre sur les murs de ma chambre afin de les voir chaque jour.

Mon projet était de recouvrir les murs au complet. Heureusement, je me suis fait une blonde avant de devenir un cas trop désespéré. Mon crayon feutre a pris le bord.

Aujourd’hui, je note des citations sur des Post-it, dans un calepin ou dans mon téléphone, mais je n’ai jamais arrêté de les collectionner. Les relire m’aide à mettre des mots sur ce qui est important dans la vie.

Voici quelques-unes de mes meilleures citations sur l’argent et le bonheur.

J’aime cette citation claire de Peter Adeney, auteur du populaire blogue Mr. Money Mustache (que vous devriez lire). Elle en dit plus en 22 mots que des livres de finance de centaines de pages (que personne n’a envie de lire).

Contrairement à la banque et au concessionnaire automobile, Peter Adeney ne banalise pas l’endettement : il sait que contracter une dette, c’est commencer à jeter son salaire par la fenêtre. La réaction logique quand on est endetté n’est pas de louer un chalet ou d’aller au restaurant. C’est d’attaquer sa dette et d’arrêter seulement une fois qu’on l’aura anéantie.

Des dettes sont inévitables dans le cas de l’achat d’une maison et souvent pour les études. Pour le reste, devoir dépenser de l’argent qui ne nous appartient pas pour obtenir un bien ou une expérience est le signe que nous n’avons pas encore les moyens de nous les offrir.

Je passe mes fins de semaine en bordure des terrains de soccer du sud du Québec à crier avec les autres parents de joueurs de l’équipe des choses comme : « Prends ton temps, mais fais ça vite ! », ou encore mon traditionnel (et ironique) « Pas de but, pas de Dairy Queen ! »

Après un match, il arrive que mon fils se mette en colère parce qu’un joueur adverse l’a insulté ou poussé durant la partie. Je lui réponds qu’un joueur de soccer qui ne se fait jamais pousser ou insulter n’est sans doute pas un très bon joueur de soccer. Et aussi que recevoir des insultes est indépendant de sa volonté, mais décider de se mettre en colère ne l’est pas.

On peut désirer passer un match sans être insulté. On peut désirer acheter une maison. On peut désirer qu’il ne pleuve pas le jour de son mariage. Soit. Mais on commet une erreur quand on lie notre bonheur à la réalisation de ce désir. Notre niveau de bonheur est entre nos mains, pas entre celles du marché immobilier ou de l’humidité de l’air. Si ce n’est pas le cas, il est temps de réviser le contrat que l’on a passé avec soi-même.

Parfois, l’argent sort de notre portefeuille à la vitesse d’un TGV. C’est normal. Ça arrive. Mais c’est aussi important dans ces occasions de prendre un pas de recul. L’argent est une ressource précieuse.

La preuve : la banque va nous scruter pratiquement aux rayons X avant de nous en prêter. Elle protège son argent avec des intérêts élevés, et elle bloque l’accès à son coffre-fort avec des murs d’acier. C’est pour ça qu’elle s’enrichit. On devrait avoir le même discernement avec notre argent. Où sont les murs d’acier autour de notre portefeuille ?

Il y a un an, tout le monde parlait d’une récession si évidente qu’on pouvait la toucher. L’inflation était repartie à la hausse. Les marchés boursiers chutaient chaque jour. Des lecteurs me disaient avoir trouvé refuge dans la tendre et douce chaleur maternelle d’un CPG. Ils me parlaient de « chutes boursières prévisibles » à venir.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Ni le Canada, ni les États-Unis, ni l’Europe, ni l’Asie ne sont en récession. L’inflation a chuté. Et un simple fonds indiciel diversifié 60 % actions, 40 % obligations a grimpé de 25 % depuis l’automne dernier, si on inclut le réinvestissement des dividendes.

Pourcentage des analystes qui avaient prédit ça : 0 %.

Tenter d’anticiper les récessions ou les corrections boursières est frustrant et coûteux. Investir régulièrement dans un portefeuille équilibré et diversifié est la meilleure façon de se comporter avec nos placements. Peu importe ce que disent les nouvelles.

Personne n’est aussi impressionné par nos possessions que nous-mêmes. Chercher à envoyer des signaux de richesse a une conséquence prévisible : nous appauvrir.

Saviez-vous que seule une minorité des ménages américains ayant des revenus de plus de 250 000 $ US (345 000 $ CAN) par année choisit de se déplacer dans un véhicule d’une marque de prestige ? La majorité préfère des véhicules de marque Toyota, Honda ou Ford.

Notre vision de la richesse a été conditionnée par les publicitaires et les scénaristes de Hollywood.

Les riches l’ont compris. Vous ?

Ce qui fonctionne au Québec

La semaine dernière, je vous parlais de 10 choses qui fonctionnent au Québec. Votre réaction a été unanime : vous aimez les nouvelles positives, et en voulez davantage. C’est noté.

François, un lecteur, dit avoir passé huit mois dans un village en Afghanistan, il y a quelques années.

« Des choses qui vont bien au Québec, je peux vous en nommer ! », écrit-il.

Voici sa liste :

  • Nous avons l’électricité.

  • Il y a une famille par maison.

  • Nos maisons ont des meubles.

  • Les égouts sont souterrains.

  • Les enfants vont tous à l’école.

  • Il n’y a pas de guerre.

  • Les routes sont asphaltées.

  • Nous avons le service d’urgence 911.

  • Près de 30 % de la population est obèse.

« Ça va tellement bien au Québec que ça en est gênant », conclut-il.

Le problème avec le progrès, c’est qu’on s’y habitue. Comme l’a écrit George Orwell (ma dernière citation) : « Il faut constamment se battre pour voir ce qui se trouve au bout de son nez. »