Article paru le 02/12/2023 écrit par Camille Laurin-Desjardins publié pour Le Devoir
Faire de l’argent au Québec, on le sait, c’est tabou. Le salaire annuel et le montant de son épargne ne sont pas les sujets qu’on aborde de prime abord en plein souper de Noël. Pourtant, c’est une question fondamentale, rappellent des spécialistes, qui se désolent du manque de connaissances en finance personnelle de la moyenne des Québécois.
« Ce n’est pas sexy de parler de finance, admet Isabelle Garon, première vice-présidente marketing, communications, coopération et bureau du président chez Desjardins. Mais c’est fondamental de gérer ses finances personnelles : c’est ce qui va t’amener là où tu veux… ou t’en empêcher. »
Lorsqu’on lui demande comment se porte la littératie financière des Québécois, Isabelle Garon lance à la blague « correct », comme le lui aurait répondu son ado il y a quelques années. « Pas assez bien, je vais répondre comme ça, poursuit-elle. Autant chez les jeunes que chez les moins jeunes. »
Selon un récent sondage effectué par Desjardins, 70 % de ses membres dans tout le pays considèrent que leurs connaissances financières sont bonnes. Chez ceux qui ont entre 18 et 30 ans, ce pourcentage diminue à 60 %. Et, fait intéressant : 90 % des jeunes répondants désirent améliorer leurs connaissances et avoir une meilleure autonomie financière.
Maly Charbonneau, cofondatrice de Welcome Spaces, se dit, elle aussi, inquiète de l’état des connaissances des Québécois en matière de finances personnelles. Sa plateforme d’échange entre les clients et les professionnels de la finance a lancé l’été dernier un sondage auprès de 1000 participants âgés de 18 à 44 ans afin de dresser un portrait financier des jeunes Québécois.
Les résultats sont assez préoccupants, même chez les moins jeunes. La moyenne obtenue par les répondants au jeu-questionnaire de littératie financière, contenant des questions financières de la vie courante, est de 62 %. Chez les 18 à 24 ans, cette moyenne baisse à 55 %. Plus de la moitié des Québécois sondés (56 %) ne comprennent pas les règles de base des taxes à la consommation, et un répondant sur deux gère ses finances sans budget.
« On se rend aussi compte que beaucoup de gens sortent de l’université et ne savent pas ce qu’est un intérêt composé, un courtier hypothécaire ou un PIB », souligne Mme Charbonneau.
Une éducation défaillante ?
D’ailleurs, 80 % des répondants jugent que l’éducation financière qu’ils ont reçue à l’école est insatisfaisante. « Même moi, je suis sortie de l’université avec un bac en marketing et en finance et je ne savais pas comment faire mes impôts personnels », illustre-t-elle.
Isabelle Garon croit elle aussi que l’éducation financière devrait être mieux intégrée au programme scolaire québécois. « Je pense sincèrement que dès le primaire, on devrait commencer à inculquer des notions de base aux enfants, affirme-t-elle. Évidemment, je ne parlerai pas d’un taux d’endettement à un enfant de 6 ans ! »
Mais concrètement, on peut leur enseigner le fait qu’une carte de plastique ne permet pas d’acheter tout ce qu’on veut, par exemple. Mme Garon voit trop souvent des jeunes qui ont fait de mauvais choix financiers et qui se retrouvent, à 25 ans, avec des cartes de crédit pleines. « C’est préoccupant dans un contexte où la situation économique est difficile, ajoute-t-elle. L’augmentation du coût de la vie et des produits alimentaires, la crise du logement… tout explose ! »
Un bon point de départ
Mais par où commencer quand on se sent dépassé par sa situation financière ? La réponse est simple, selon les deux spécialistes : consulter un expert. Cela peut être auprès de son institution financière ou bien d’organismes comme les associations coopératives d’économie familiale.
« Je pense que la première personne avec qui on doit faire affaire, c’est un planificateur financier ou un conseiller en sécurité financière : c’est comme le généraliste des médecins, mais en finance, illustre Mme Charbonneau. Et beaucoup de gens n’en ont pas. C’est la personne qui, dès le début, va être capable d’analyser ton revenu, ta situation familiale, ta gestion de patrimoine… » Il est aussi important de « magasiner » son expert, rappelle-t-elle, pour trouver une personne de confiance.