Comment investir quand les marchés sont à des sommets

Article paru le 17 novembre 2024 pour La Presse écrit par Nicolas Bérubé

Quand les marchés financiers chutent, vous ne voulez pas investir sous prétexte que la chute ne fait que commencer et que c’est mieux d’attendre.

Et quand les marchés atteignent des sommets, vous ne voulez pas investir sous prétexte qu’il va y avoir une chute et que c’est mieux d’attendre.

Donc vous attendez les chutes dans des marchés où elles sont courtes et rares. J’aime mieux vous prévenir : ce n’est pas une formule pour faire la brasse dans une montagne de billets verts comme Oncle Picsou.

Mais je comprends d’où ça vient.

Dans l’imaginaire populaire, investir est un peu comme aller au magasin pour acheter quelque chose dont on a besoin. Disons, une friteuse à air chaud.

Qu’est-ce qui est mieux qu’une friteuse à air chaud ? Une friteuse à air chaud en solde. Alors on attend le Vendredi fou.

C’est humain. On veut prendre la « bonne » décision. Minimiser les risques de regrets. Éliminer les « j’aurais donc dû ».

Avec une friteuse, ça fonctionne. Mais avec nos placements ? Ça ne fonctionne pas. C’est notre cerveau qui nous joue des tours.

Pour mettre les chances de son côté en investissement, il faut apprendre à penser un peu moins comme un humain qui magasine une friteuse à air chaud, et un peu plus comme une usine qui les fabrique.

Imaginez une usine en Chine. Elle est remplie de presses à métal, de machines de moulage par injection, de robots qui appliquent des revêtements antiadhésifs ou des couches de peinture… Toutes ces machines travaillent ensemble dans une chaîne de montage pour fabriquer des friteuses à air chaud.

Est-ce que cette chaîne de montage se demande si le mardi est une meilleure journée que le jeudi pour fabriquer des friteuses ? Ou s’il est préférable de fabriquer des friteuses avant ou après les élections américaines ? Avant ou après le changement d’heure ? Avant ou après les spectacles de Taylor Swift à Toronto ?

(OK, je suis un homme de 47 ans et c’est ma deuxième référence à Taylor Swift cet automne. Suis-je en train de devenir un Swiftie ? )

L’usine n’a pas d’opinion. Elle fabrique des friteuses à air chaud. C’est tout. On devrait faire la même chose avec nos placements.

Meilleures journées

« Oui, OK, direz-vous. Mais là, c’est différent ! Les marchés sont euphoriques ! C’est sûr qu’une chute s’en vient ! »

C’est vrai que les marchés sont à des sommets. La Bourse de Toronto a grimpé de 20 % depuis le début de l’année. Aux États-Unis, on parle d’une hausse de plus de 25 %.

Le S&P 500, l’indice qui représente les 500 plus grandes entreprises aux États-Unis, a clôturé à des niveaux records plus de 50 fois cette année. L’année 2024 est au septième rang des meilleures années pour le nombre de journées records en près d’un siècle.

Tout ça devrait faire peur, non ?

En fait, tout ça est normal. Laissez-moi vous expliquer.

Depuis 1924, le rendement annuel le plus souvent observé pour la Bourse de Toronto est un rendement situé entre 20 % et 30 %. Un tel rendement s’est produit dans 21 des 100 dernières années, donc une année sur cinq.

Aux États-Unis, une hausse de 25 % ou plus s’est historiquement produite une année sur quatre.

Ces rendements nous semblent exceptionnels. Mais, par définition, une chose qui s’est produite une année sur quatre ou une année sur cinq depuis un siècle n’est pas exceptionnelle.

Aussi, c’est contre-intuitif, mais les sommets ont été d’excellents moments pour entrer dans les marchés.

Selon une analyse de JP Morgan réalisée de 1988 à 2020, un investissement dans l’indice du S&P 500 fait lors d’un jour de sommet record était en hausse de 14,6 % en moyenne au bout d’un an. Mais un investissement fait lors d’une journée choisie au hasard était en hausse de 11,7 % en moyenne un an plus tard.

Au bout de cinq ans, le placement fait au sommet a connu une croissance de 79 % en moyenne, contre 71 % pour les placements faits lors d’une journée au hasard.

Je pense qu’on a une mauvaise perception de la robustesse des marchés parce que les chutes font les manchettes, mais que les hausses passent inaperçues.

Tout le monde se souvient que les marchés ont violemment chuté en 2020, au début de la COVID-19.

Mais combien de gens savent que 10 000 $ investis tout juste avant le krach de la COVID-19 dans un Fonds négocié en Bourse « croissance » composé à 80 % d’actions canadiennes, américaines et internationales, et à 20 % d’obligations, valent 14 900 $ aujourd’hui ?

Un rendement moyen annualisé de près de 9 %. Tout ça malgré la pandémie, l’inflation élevée, la hausse historique des taux, etc.

Alors, comment investir quand les marchés sont à des sommets ?

De la même façon qu’on investit quand les marchés sont dans un creux.

Le mieux est d’investir régulièrement dans un portefeuille diversifié et équilibré composé de Fonds négociés en Bourse à faibles frais de gestion qui nous donne de l’exposition aux actions canadiennes, américaines et internationales, ainsi qu’à des obligations.

Et si une baisse survient ? On continue à investir de la même façon, à meilleur prix. Ceux qui l’ont fait en 2008, 2020 et 2022 sont heureux d’avoir suivi leur plan aujourd’hui.

Les meilleurs investisseurs ne sont pas des génies. Les meilleurs investisseurs sont capables de faire quelque chose de routinier, et de ne plus y penser.

Vous trouvez qu’investir est excitant ? Vous êtes sans doute en train de commettre une erreur.

Investir doit être plate. Comme une chaîne de montage.

Article paru dans La Presse le 27 octobre 2024 écrit par Nicolas Bérubé

J’ai toujours aimé les citations.

Lorsque j’étais adolescent, j’écrivais mes citations préférées au crayon feutre sur les murs de ma chambre afin de les voir chaque jour.

Mon projet était de recouvrir les murs au complet. Heureusement, je me suis fait une blonde avant de devenir un cas trop désespéré. Mon crayon feutre a pris le bord.

Aujourd’hui, je note des citations sur des Post-it, dans un calepin ou dans mon téléphone, mais je n’ai jamais arrêté de les collectionner. Les relire m’aide à mettre des mots sur ce qui est important dans la vie.

Voici quelques-unes de mes meilleures citations sur l’argent et le bonheur.

J’aime cette citation claire de Peter Adeney, auteur du populaire blogue Mr. Money Mustache (que vous devriez lire). Elle en dit plus en 22 mots que des livres de finance de centaines de pages (que personne n’a envie de lire).

Contrairement à la banque et au concessionnaire automobile, Peter Adeney ne banalise pas l’endettement : il sait que contracter une dette, c’est commencer à jeter son salaire par la fenêtre. La réaction logique quand on est endetté n’est pas de louer un chalet ou d’aller au restaurant. C’est d’attaquer sa dette et d’arrêter seulement une fois qu’on l’aura anéantie.

Des dettes sont inévitables dans le cas de l’achat d’une maison et souvent pour les études. Pour le reste, devoir dépenser de l’argent qui ne nous appartient pas pour obtenir un bien ou une expérience est le signe que nous n’avons pas encore les moyens de nous les offrir.

Je passe mes fins de semaine en bordure des terrains de soccer du sud du Québec à crier avec les autres parents de joueurs de l’équipe des choses comme : « Prends ton temps, mais fais ça vite ! », ou encore mon traditionnel (et ironique) « Pas de but, pas de Dairy Queen ! »

Après un match, il arrive que mon fils se mette en colère parce qu’un joueur adverse l’a insulté ou poussé durant la partie. Je lui réponds qu’un joueur de soccer qui ne se fait jamais pousser ou insulter n’est sans doute pas un très bon joueur de soccer. Et aussi que recevoir des insultes est indépendant de sa volonté, mais décider de se mettre en colère ne l’est pas.

On peut désirer passer un match sans être insulté. On peut désirer acheter une maison. On peut désirer qu’il ne pleuve pas le jour de son mariage. Soit. Mais on commet une erreur quand on lie notre bonheur à la réalisation de ce désir. Notre niveau de bonheur est entre nos mains, pas entre celles du marché immobilier ou de l’humidité de l’air. Si ce n’est pas le cas, il est temps de réviser le contrat que l’on a passé avec soi-même.

Parfois, l’argent sort de notre portefeuille à la vitesse d’un TGV. C’est normal. Ça arrive. Mais c’est aussi important dans ces occasions de prendre un pas de recul. L’argent est une ressource précieuse.

La preuve : la banque va nous scruter pratiquement aux rayons X avant de nous en prêter. Elle protège son argent avec des intérêts élevés, et elle bloque l’accès à son coffre-fort avec des murs d’acier. C’est pour ça qu’elle s’enrichit. On devrait avoir le même discernement avec notre argent. Où sont les murs d’acier autour de notre portefeuille ?

Il y a un an, tout le monde parlait d’une récession si évidente qu’on pouvait la toucher. L’inflation était repartie à la hausse. Les marchés boursiers chutaient chaque jour. Des lecteurs me disaient avoir trouvé refuge dans la tendre et douce chaleur maternelle d’un CPG. Ils me parlaient de « chutes boursières prévisibles » à venir.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Ni le Canada, ni les États-Unis, ni l’Europe, ni l’Asie ne sont en récession. L’inflation a chuté. Et un simple fonds indiciel diversifié 60 % actions, 40 % obligations a grimpé de 25 % depuis l’automne dernier, si on inclut le réinvestissement des dividendes.

Pourcentage des analystes qui avaient prédit ça : 0 %.

Tenter d’anticiper les récessions ou les corrections boursières est frustrant et coûteux. Investir régulièrement dans un portefeuille équilibré et diversifié est la meilleure façon de se comporter avec nos placements. Peu importe ce que disent les nouvelles.

Personne n’est aussi impressionné par nos possessions que nous-mêmes. Chercher à envoyer des signaux de richesse a une conséquence prévisible : nous appauvrir.

Saviez-vous que seule une minorité des ménages américains ayant des revenus de plus de 250 000 $ US (345 000 $ CAN) par année choisit de se déplacer dans un véhicule d’une marque de prestige ? La majorité préfère des véhicules de marque Toyota, Honda ou Ford.

Notre vision de la richesse a été conditionnée par les publicitaires et les scénaristes de Hollywood.

Les riches l’ont compris. Vous ?

Ce qui fonctionne au Québec

La semaine dernière, je vous parlais de 10 choses qui fonctionnent au Québec. Votre réaction a été unanime : vous aimez les nouvelles positives, et en voulez davantage. C’est noté.

François, un lecteur, dit avoir passé huit mois dans un village en Afghanistan, il y a quelques années.

« Des choses qui vont bien au Québec, je peux vous en nommer ! », écrit-il.

Voici sa liste :

  • Nous avons l’électricité.

  • Il y a une famille par maison.

  • Nos maisons ont des meubles.

  • Les égouts sont souterrains.

  • Les enfants vont tous à l’école.

  • Il n’y a pas de guerre.

  • Les routes sont asphaltées.

  • Nous avons le service d’urgence 911.

  • Près de 30 % de la population est obèse.

« Ça va tellement bien au Québec que ça en est gênant », conclut-il.

Le problème avec le progrès, c’est qu’on s’y habitue. Comme l’a écrit George Orwell (ma dernière citation) : « Il faut constamment se battre pour voir ce qui se trouve au bout de son nez. »