RRQ: mieux vaut retarder sa rente, mais que font les Québécois?

Article paru le 11/07/2024 écrit par Daniel Germain pour La Tribune

CHRONIQUE / Retraite Québec publie chaque année un ensemble plutôt intéressant de statistiques au sujet des participants et des bénéficiaires du Régime de rentes du Québec. Ces chiffres servent entre autres à vérifier si le message passe.

Quel message?

Celui avec lequel je vous harcèle depuis des années: ne vous précipitez pas pour réclamer votre rente de retraite, patientez aussi longtemps que vos finances vous le permettent, vous bonifierez ainsi une source de revenus indexée et garantie à vie.

Donc, il passe, le message?

Un peu, oui, mais bon, une majorité de Québécois demande encore leur prestation du RRQ dès 60 ans. En 2022, près de 44 000 bénéficiaires ont commencé à percevoir leur rente à leur première année d’admissibilité sur un total de quelque 95 000 nouveaux rentiers.

Ça représente 46 % de tous les nouveaux prestataires. Ces retraités devront se débrouiller avec des mensualités amputées de 36 % toute leur vie. Un autre groupe important de 23 000 a réclamé leur rente de manière anticipée en 2022, avant 65 ans. Ça porte à 70 % la proportion des nouveaux bénéficiaires qui renoncent à 100 % de leur prestation. Tout juste 20 000 ont attendu à 65 ans en échange d’une pleine pension (21 %).

Et l’âge moyen de nouveaux prestataires, dans tout ça? 62,4 ans.

Pourquoi alors affirmer que le message passe? Parce que, allant à l’encontre de ma nature, je vois le verre un «ti-peu» plein, mais pas à moitié, quand même. C’est que ç’a déjà été pire. La preuve: l’âge moyen des nouveaux bénéficiaires croît tranquillement, elle était de 61,4 ans il y a 10 ans.

En 2014, première année où on pouvait demander son RRQ de façon anticipée tout en restant au travail, 80 000 nouveaux bénéficiaires venaient de fêter leur 60e anniversaire (dont 33 000 qui ont réclamé leur rente tandis qu’ils travaillaient encore). Ce nombre n’a pas cessé de descendre depuis ce sommet.

En 2014, moins de 1000 personnes (0,7 %), sur 134 000 nouveaux bénéficiaires ont patienté jusqu’à 70 ans pour déclencher son RRQ. En 2022, on en comptait 2000 (2 %) sur un total de 95 000 nouveaux rentiers.

Le message percole, tout doucement.

Oui, ce n’est pas à la portée de tout le monde d’attendre, ça prend de l’argent et une bonne santé. Je comprends aussi que des Québécois n’ont pas le choix de récolter leur RRQ dès qu’ils peuvent. Mais une majorité de nouveaux bénéficiaires chaque année? Et moins d’un retraité sur dix seulement capable de retarder au-delà de 65 ans?

Vous ne trouvez pas que je radote assez comme ça?

Les traces d’inégalité

Ces fournées de statistique recèlent toujours d’autres données révélatrices de certains courants. Le RRQ versait 6,6 milliards en prestation de toutes sortes en 2002. Vingt ans plus tard, c’était 16,2 milliards, dont 14 milliards en prestations de retraite.

On comptait plus de deux millions de bénéficiaires d’une rente de retraite en 2022, soit le quart de la population. C’est deux fois plus qu’en 2002. Durant ces deux décennies, le nombre de Québécois qui reçoivent une prestation accessoire (invalidité, survivant, orphelin) est resté stable. La population vieillit, c’est ce que ça nous dit (et qu’on savait déjà).

Au 31 décembre 2022, la rente de retraite moyenne s’élevait à 562 $ par mois. Celle des femmes était moindre, à 478 $ en moyenne, tandis que les hommes recevaient 653 $. Chez les messieurs, le quart avait droit à 90 % et plus de la rente maximale. Chez les dames? Un poil au-dessus de 13 %.